Lutte des classe ou lutte d'éclat
Publié le 9 Juillet 2016
Réponse à l'interview de Martin Winckler dans l'Humanité
Dans une interview à l'Humanité ici Martin Winckler s'exprime sur les médecins, leur formation, leurs relations à la société.
J'aime bien Martin Winckler il exprime des idées certes parfois tranchées mais qui conduisent à une réflexion sur la médecine et les médecins. Ne pouvant commenter l'interview je fais une réponse ici. Elle est le complément de mon commentaire au billet de Grange Blanche ici .
Les étudiants en médecine sont majoritairement des enfants de cadres supérieurs ou de professions libérales. Les données précises sont disponibles ici Cette situation n'est néanmoins pas unique elle prévaut dans toutes les formations supérieures parfois de façon plus marquée, ainsi à sciences Po les 2/3 des étudiants sont issus de milieu favorisés. Cet état de fait est en contradiction avec une société qui se gargarise de démocratie et d'avancées sociale. Comme le souligne Perruche en automne , elle contribue à une inégalité de santé. Cette concentration de savoirs et de pouvoirs dans les mains d'un groupe restreint tient plus de l'oligarchie que de la démocratie. Il est surement utopiste d'imaginer changer une situation existant dans toutes le sociétés mais il aussi complice de constater sans rien dire.
Peut on cependant attribuer certaines carences dans la relation médecin malade à l'origine sociale des médecins? Tout d'abord une mise au point nécessaire. Dans leur immense majorité, les médecins veulent le bien de leurs patients. On pourrait dire qu'ils sont bienveillants mais la bienveillance dans le soin a un autre sens qui justifierai un billet entier. La bienveillance n'est pas synonyme de bonnes intentions ou d'envie d'aider. La bienveillance est une compétence professionnelle que les médecins développent, aidés par une formation adéquate. Disons que les médecins sont bien intentionnés. Ils veulent soulager leurs patients. Ce qui pose problème n'est pas tant l'intention d'aider que sa mise en oeuvre et le manque de formation à l'exprimer en respectant les choix du patient .
On ne peut pas dire que les soignants sont formés au mépris du soigné. Par contre alors que les futurs soignants ont une formation approfondie aux causes et possibilités de soulager les maladies, ils n’en n’ont pas, ou trop peu à la relation indispensable aux soins. Les études de médecine sont conçues pour acquérir des savoirs dont l'un des objectifs est le classement aux épreuves de fin de 6ième année, les ECN. Bien sur les connaissances sont indispensables, mais la relation, la communication avec le patient le sont tout autant. Tout est en fait pour laisser les convictions personnelles des futurs soignant guider leur relation de soins. Elle peut devenir celle d’un Martin Winckler, d’un Grange Blanche, d’un Docdu16, d’une Jaddo et bien d’autres mais elle peut aussi devenir celles de médecins dont l’attitude est au mieux paternaliste voire condescendante au pire méprisante.
Certes la volonté de faire le bien est présente mais son expression reste trop souvent le reflet d’une classe non d’origine mais de formation. C'est en ça que Martin Winckler a raison. Quel que soit l’origine sociale des étudiants la formation qu’ils reçoivent laisse leurs convictions établir le type de relation qu’ils croient être la meilleure. Les études médicales valorisent certes la volonté d'aider, mais dans une posture encore trop paternaliste. De plus elles survalorisent les savoirs et leur restitution lors d'une épreuve finale, créant une hiérarchie médicale inutile et délétère. Les connaissances et le savoir faire sont développés par la formation des futurs médecins, le savoir être est lui malheureusement autodidacte aux dépends des patients mais aussi des soignants trop souvent en situation d'échec dans leur relation par manque de formation.
On peut ajouter que la formation des médecins si elle ne l'empêche pas ne valorise pas non plus l'esprit critique et surtout ne le développe pas. Les influences de l'industrie pharmaceutique, mais aussi des écoles de pensées hygiénistes témoignent de ces lacunes. L'impossibilité d'accepter une critique du corps médical en est un autre reflet.
Ce n'est pas l'origine sociale des médecins qui est en cause c'est leur formation qui néglige trop la relation avec le patient et la société et crée une corporation sans lui apporter les notions indispensables à devenir des professionnels soignants.
Une profession se définit par ses compétences, mais aussi par la place que la société lui octroie. Les médecins oublient trop souvent que ce n'est pas leurs savoirs qui définissent leur statut social. C'est avant tout leur capacité à répondre aux attentes collectives de la société et particulières des individus et à accepter la critique.
Si la généralisation est stupide et stérile, la critique est nécessaire.
Alors oui il y a bien un corporatisme des médecins mais il est lié à leur formation, pas à leur origine sociale et le reflet non d'une lutte de classe mais d'une opposition de pouvoir qu'heureusement les médecins sont entrain perdre au profit collectif de la société et individuelle des patients.